LE FRELON ASIATIQUE POURSUIT SA PROGRESSION, LA SUISSE N’EST PAS ÉPARGNÉE !

LE FRELON ASIATIQUE POURSUIT SA PROGRESSION,  LA SUISSE N’EST PAS ÉPARGNÉE !
Des colonies de frelons asiatiques continuent de s’installer dans notre pays. Seule la mise en place d’un réseau d’observations peut permettre de réaliser une lutte efficace contre cette espèce envahissante. Et si les apiculteurs restent les interlocuteurs privilégiés, les chasseurs peuvent aussi contribuer à identifier des individus ou des nids lors de leurs observations de la nature.  Point de situation avec les spécialistes.

Texte de Daniel Cherix, professeur honoraire de l’Université de Lausanne, Lukas Seehausen, entomologiste au CABI (Centre for Agriculture and Bioscience International), et Anja Ebener, directrice apiservice / Service sanitaire apicole (SSA)

 

Au cours de l’année 2020, plusieurs signalements de frelons asiatiques ont été enregistrés dans les cantons de Genève, du Jura et du Tessin. Même si certains ont pu être détruits, d’autres colonies se sont installées dans notre pays et seule la mise en place d’un réseau d’observations (forestiers, agriculteurs, désinfestateurs, chasseurs…) et des observations attentives de tous les apiculteurs près de leurs ruchers permettront de mettre sur pied la lutte contre cette espèce envahissante (le premier frelon asiatique a été capturé en 2017 dans le canton du Jura à Frégiécourt).

Situation en Suisse 

Le premier frelon a été capturé à Genève au mois de juillet 2020 par une personne avisée qui l’a apporté au Service de la faune. D’autres individus ont été ensuite repérés à différents endroits du canton. Grâce à l’utilisation de radio-émetteurs, il a été possible de localiser et de détruire deux nids. Un peu plus tard, dans le canton du Jura, un apiculteur a signalé la présence de frelons asiatiques devant ses ruches. L’utilisation de radio-émetteurs a permis à nouveau de localiser et de détruire le nid. Il ressort que sur les trois nids découverts en 2020, deux étaient situés au-delà de 20 mètres de hauteur, ce qui a demandé l’intervention de personnes spécialisées. L’utilisation de radio-émetteurs, employés habituellement pour le suivi des mammifères, semble être la méthode la plus prometteuse, malgré son prix, pour localiser les nids rapidement. 

Depuis, des nids ou individus ont pu être observés dans les cantons de Genève, Jura, Vaud et Tessin. 

 

Les zones à risque 

La carte disponible sur le site info fauna – CSCF (https://lepus.unine.ch/carto/58510), montre les endroits où le frelon asiatique a été observé en Suisse. Elle est très instructive pour évaluer la situation actuelle et prendre des mesures appropriées. Toutefois, les points rouges ne montrent que les endroits où l’insecte a été découvert, et il pourrait également être utile de savoir où il pourrait potentiellement s’installer et prospérer dans les années à venir. Pour de telles prévisions, les modèles bioclimatiques peuvent aider à définir les zones qui risquent d’être envahies par une espèce donnée. Ces modèles combinent des informations connues sur la biologie de l’espèce envahissante (notamment sa répartition dans la zone d’origine et sa sensibilité à la température et à l’humidité) et des données climatiques. De tels modèles ont été développés pour le frelon asiatique en Suisse, par le CABI et l’Institut de recherche de l’agriculture biologique FiBL. Les résultats, qui sont résumés dans la carte jointe, montrent que le Plateau central, les zones de basse altitude dans le Jura, les vallées alpines chaudes comme les vallées du Rhône et du Rhin, et le sud du Tessin sont favorables à l’établissement du frelon asiatique. À noter que le froid va probablement limiter la survie du frelon dans les Alpes et le Jura. 

En combinant les informations sur la répartition actuelle et les zones favorables à une invasion en Suisse, on peut définir les régions les plus susceptibles d’être envahies à court terme. Il ressort que, de Genève à Bâle, toute la région frontalière du nord-ouest de la Suisse doit faire l’objet d’une attention particulière 

Scénarios futurs 

Les expériences acquises par nos collègues des pays voisins montrent que plusieurs points sont importants dans la lutte et la limitation de l’invasion du frelon asiatique en Suisse. Le premier point est l’observation et le signalement. C’est grâce à cela qu’une détection et une destruction des nids avant la période de reproduction pourra être mise en place. Ce monitoring est fondamental et il vaut mieux annoncer une autre espèce qui n’aura pas pu être identifiée avec certitude et ne pas manquer la détection d’un frelon asiatique, plutôt que de ne rien signaler. 

Mais l’étape suivante, la détection et la destruction du nid, est primordiale. La destruction devrait avoir lieu avant la fin du mois d’octobre pour éviter que des nouvelles reines quittent le nid, s’accouplent et puissent construire de nouveaux nids l’année suivante. Pour l’instant, nous pensons que la méthode la plus efficace pour la détection des nids est l’utilisation de radio-émetteurs attachés autour de la taille du frelon. Toutefois, cette méthode demande un minimum de connaissances et n’est pas gratuite. Il conviendrait si possible d’organiser cela au niveau des cantons susceptibles d’être envahis cette année. 

 

Signaler pour contribuer 

Malgré les moyens mis en œuvre pour détruire les nids qui indiquent que des populations ont pu se développer, nous ne savons pas si de jeunes reines fécondées ont survécu à l’hiver et seront responsables de la construction de nouveaux nids en 2022. Compte tenu de la situation où des régions sensibles ont été mises en évidence, il importe que toute personne participe à l’effort d’observation pour éviter une dispersion trop rapide et des dégâts avérés sur les colonies d’abeilles mellifères. Signaler un frelon asiatique, c’est contribuer à éviter une propagation rapide de cette nouvelle espèce exotique envahissante. Les enjeux sont de taille puisqu’en France, ce sont déjà près de 12 millions d’euros par an qui ont été consacrés à la lutte contre le frelon asiatique. Les coûts liés aux dommages sur les abeilles sont quant à eux chiffrés à 50 millions d’euros.

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