Les balles à noyau soudé au blindage

Les balles à noyau soudé au blindage

En 1881, le balisticien suisse Eduard Rubin songe à entourer la balle jusqu’alors intégralement en plomb des carabines de chasse d’un «chemisage» en cuivre la recouvrant sur un peu plus de sa moitié arrière. Le progrès, considérable, permet d’en porter la vitesse initiale d’à peine 500 m/s  jusqu’à presque 900 m/s. Cette première ogive demi-blindée présente néanmoins encore de lourdes insuffisances. Le noyau en plomb se sépare souvent du blindage à l’impact, altérant gravement l’efficacité. Même si le noyau reste solidaire de sa «chemise», la balle ne s’ouvre quasiment pas lorsqu’elle atteint un organe tendre. Elle traverse l’animal en libérant peu d’énergie et occasionne de faibles destructions. Quand, à l’inverse, elle frappe une zone dure, elle s’épanouit trop vite. Elle ne pénètre pas assez et disperse son énergie superficiellement.

La toute récente Bondstrike de Norma, lancée ce printemps.

Evolution importante

La balle demi-blindée progresse significativement en 1912 avec l’ogive TIG, imaginée par l’ingénieur allemand Wilhelm Brenneke, qui reçoit deux noyaux encastrés l’un dans l’autre. Le noyau avant est constitué de plomb doux et le noyau arrière de plomb fortement durci. Si l’animal est touché dans une partie molle, le premier noyau s’ouvre amplement et détruit un volume considérable de tissus. S’il est frappé dans une zone dure, le second pénètre très en profondeur, générant d’énormes dégâts. La structure complexe des balles à double noyau les rend cependant très difficiles à confectionner avec une régularité de leurs cotes préservant une précision suffisante à longue portée, par exem-ple telle que la chasse en montagne le requiert. Une nouvelle amélioration marquante intervient en 1965 avec l’ogive ABC, conçue par le balisticien yougoslave Francé Avcin, confectionnée en totalité dans un alliage à très forte teneur en cuivre. Sa pointe est forée d’une cavité à l’intérieur de laquelle sont usinées des ébauches d’ouverture en quatre pétales pour permettre l’expansion rapide de sa partie avant. Lorsque cette expansion arrive au fond de la cavité, elle est radicalement stoppée. Le comportement à l’impact des ogives monométalliques s’apparente à celui des projectiles à double noyau.

L’Accubond CT de Winchester, l’une des pionnières du noyau soudé au blindage, excelle en 7 mm Remington magnum, 30-06 et 300 Winchester magnum.

Histoire de densité

Avec l’avantage d’une régularité extrême de leurs dimensions qui leur confère une précision prodigieuse, en revanche la densité de leur métal (8,9 environ) moindre que celle du plomb durci (11,0 environ) nuit à la conservation de leur vitesse à grande distance, ce qui limite leur efficience, de nouveau, en montagne. La plus récente avancée technologique apparaît en 1988, quasi simultanément à l’initiative de la firme australienne Woodleigh avec sa balle Weldcore destinée au tir des buffles, et de la marque américaine Federal avec son ogive Trophy Bonded Bear Claw vouée à la chasse des grands ours. Il s’agit du noyau unique en plomb soudé chimiquement au blindage. Ce blindage, fin à l’avant, génère une forte expansion en cas d’atteinte à un organe mou. Epais à l’arrière, il garantit la pénétration en profondeur en cas de choc en zone dure. La fusion noyau-blindage entraîne une conservation presque totale (95 à 99 %) de la masse du projectile après l’impact qui, associée à la haute densité du plomb, optimise la diffusion de l’énergie et donc l’efficacité.

Certains fabricants identifient toutefois vite un autre atout déterminant de cette construction par rapport à la structure monométallique, la meilleure préservation de la vitesse – et donc de l’énergie cinétique, facteur primordial d’efficience – à longue portée. Ils l’associent à un profil soigneusement fuselé, souvent aussi à une pointe en polymère très effilée et à un arrière resserré boattail (en forme de «queue de bateau»), pour peaufiner encore la conservation de la vitesse et réduire la sensibilité au vent latéral, faisant ainsi des balles à noyau en plomb soudé au blindage les meilleures de toutes pour le tir des grands gibiers de montagne !

 

Texte Francis Grange

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