Chiens de protection des troupeaux

Chiens de protection des troupeaux

LA PROTECTION DES TROUPEAUX EST COORDONNÉE PAR AGRIDEA, SOUS MANDAT DE L’OFEV. DIANA CHASSE ET NATURE FAIT UN POINT DE SITUATION SUR LES MESURES MISES EN PLACE, ET L’AIDE DONT DISPOSENT LES ÉLEVEURS POUR TENTER DE FAIRE FACE À LA PRÉSENCE DES GRANDS CARNIVORES.

Les éleveurs ovins qui estivent leurs troupeaux en alpage sont les premiers touchés par la présence des grands carnivores. Le sujet n’est pas nouveau et l’actualité de l’été nous l’a encore rappelé. Pour faire face, plusieurs mesures sont à disposition des agriculteurs, les chiens de protection font partie de celles-ci de même que l’installation de clôtures électrifiées et de parcs fermés.

AGRIDEA, l’Association suisse pour le développement de l’agri-culture et de l’espace rural, sous mandat de l’OFEV, aide les autorités fédérales et cantonales à accomplir leurs tâches d’exécution et de vulgarisation pour la protection des troupeaux. Six personnes à temps partiel gèrent le département ad hoc, ce qui équivaut à 3,3 pleins-temps.

Historiquement, la question de l’attribution de la protection des troupeaux a été discutée entre l’OFAG (Office fédéral de l’agriculture) et l’OFEV (Office fédéral de l’environnement), pour finalement arriver à l’Environnement. Le WWF, puis KORA (Fondation en charge de l’écologie des grands carnivores) ont successivement coordonné les mesures avant qu’un mandat de l’OFEV soit attribué à AGRIDEA.

Ce que dit la loi

La base légale de la protection des troupeaux figure dans l’article 10 ter et quater de l’Ordonnance fédérale sur la chasse, entré en vigueur en 2014, qui stipule notamment : « Pour prévenir les dégâts aux animaux de rente causés par les grands prédateurs, l’OFEV encourage  l’élevage, l’éducation, la détention et l’emploi de chiens de protection des troupeaux. » Ainsi que : « L’emploi des chiens de protection des troupeaux a pour objectif la surveillance quasi autonome des animaux de rente et la défense contre les animaux intrus. » A noter que le terme de « quasi autonome » a une importance fondamentale, dans la mesure où il permet théoriquement aux bergers de disposer de chiens sans devoir à tout prix en avoir le contrôle. Ceci dit, cette notion n’est pas sans ambiguïté, puisque les bergers restent toujours responsables de leurs chiens, et doivent répondre des comportements problématiques lorsque des incidents surviennent, notamment avec les touristes et randonneurs.

En plus, au-delà de cette base légale, il ne faut pas oublier que la question des chiens de protection touche vingt-sept textes de lois différents, ce qui ne facilite évidemment pas la situation de ceux qui opèrent sur le terrain. Mais dans les grandes lignes, on peut dire que l’OFEV encourage la protection des troupeaux au moyen de chiens, à condition que ceux-ci soient élevés, éduqués, détenus et employés correctement…

Coordination cantonale

Pratiquement, les éleveurs qui sont confrontés à des besoins de protection doivent faire appel au Canton, via un coordinateur du Service de l’agriculture. Les mesures à prendre sont alors évaluées de manière commune. Les clôtures électrifiées et parc de nuit sont prioritairement envisagés, et des subventions sont prévues selon un barème pour faciliter leur mise en place. Lorsqu’il n’est pas possible de mettre des clôtures, et si l’agriculteur est motivé, l’intégration de chiens de protection est alors envisagée. L’éleveur doit suivre une formation d’une journée, et un spécialiste Chiens de protection des troupeaux visite les zones de pâture afin d’évaluer si les conditions permettent la détention de chiens. Le Service de prévention des accidents dans l’agriculture SPAA est également consulté, et établit un rapport qui est ensuite transmis au Canton. Si la procédure peut sembler lourde, elle reste selon François Meyer, collaborateur scientifique chez AGRIDEA, nécessaire au vu des mauvaises expériences qui ont pu être vécues. « Le Canton doit impérativement être considéré comme un partenaire pour que ça puisse fonctionner. » Depuis cette année, les dossiers de demande de chiens passent encore par l’OFEV qui doit agréer le tout. Une fois la procédure remplie, AGRIDEA gère alors le placement de chiens. Au minimum deux, et jusqu’à cinq (exceptionnellement) selon la taille des troupeaux. Des subventions sont accordées pour l’entretien du chien, et les frais qui en découlent. Elles sont pour une part forfaitaires, et pour une autre accordées en fonction du système de pâture.

Les défis

Une des difficultés relevées par plusieurs détenteurs de chiens est celle de la responsabilité en cas de pincement d’un touriste. Le document publié par l’OFEV sur l’aide à la protection des troupeaux stipule au point 7.5.1.1 : « Le détenteur d’un chien est en principe responsable des dommages causés par la détention du chien. Il est libéré de cette responsabilité s’il peut prouver qu’il a détenu, employé et surveillé son chien avec toute l’attention commandée par les circonstances (…) ». Le point 7.5.1.4 dit encore : « (…) Le service spécialisé Chiens de protection des troupeaux assiste les détenteurs de CPT officiels devant apporter la preuve concrète du respect de leur devoir de diligence. » Certains éleveurs souhaiteraient être libérés de principe de cette responsabilité, qu’ils voient comme un frein à la démarche de protection. Il est toutefois improbable que la situation change, dans la mesure où les textes prévoient cette libération selon les cas, et que des assurances sont disponibles auprès de l’association Chiens de protection des troupeaux – Suisse.

Soutien et reconnaissance

L’autre problème du système en place est celui de son inertie, soulignée par plusieurs éleveurs déçus de la réponse trouvée auprès d’AGRIDEA. Il faut en effet plusieurs mois, voire un an pour obtenir des chiens, une réalité qui n’est pas adaptée aux nouveaux besoins et à la prolifération des loups dans certains territoires. La disparition des groupes d’interventions d’urgence, qui pouvaient soutenir les éleveurs après une attaque, est également déplorée. « Il y a encore cinq ans, une équipe pouvait venir à l’alpage et rester plusieurs jours, voire semaines, pour nous soutenir », relève Christiane Krieger Mayor, bergère dans le val d’Anniviers et qui a subi cette année quatre attaques et perdu treize animaux. Et de poursuivre : « Aujourd’hui, on a une visite pour la journée, et on se retrouve livrés à nous-mêmes. Les attaques sont véritablement traumatisantes, et nous manquons clairement de soutien et de reconnaissance. »

L’agricultrice déplore encore le manque de collaboration avec les instances en charge du tourisme. « On veut simplement nous éloigner pour éviter les interactions avec les promeneurs, plutôt que d’éduquer les gens. » La mise à disposition de civilistes reste cependant appréciée pour la présence qu’elle procure, mais le manque d’expérience des intervenants ne permet pas toujours de répondre aux attentes.

Si les chiens de protection des troupeaux constituent une mesure efficace lorsque les conditions de détention sont appropriées, leur utilisation n’est pas sans problème, et les éleveurs confrontés aux attaques de loups sont de plus en plus démunis face à l’augmentation de la pression. Diana Romande, de même que plusieurs groupements politiques, se sont récemment exprimés pour que les autorités traitent ces questions de manière prioritaire.

Texte Vincent Gillioz | Photos Odile Curchod

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