PLANTES ALPINES  ET CHANGEMENT CLIMATIQUE

PLANTES ALPINES  ET CHANGEMENT CLIMATIQUE
Le changement climatique modifiera la répartition des plantes alpines. La planification des aires protégées doit en tenir compte car il existe des lacunes dans la mosaïque transnationale de celles-ci.

Texte de Stephanie Kusma, photos de Patrice Descombes

Une étude internationale codirigée par l’Institut fédéral suisse de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL et l’ETH Zurich montre où les pays de l’espace alpin devraient établir de nouvelles aires protégées pour préserver au mieux la biodiversité de cette région.

Les Alpes sont l’une des plus grandes zones semi-naturelles d’Europe. Elles abritent à elles seules 4500 espèces végétales – sans compter les mousses – et donc environ un tiers de toute la flore d’Europe occidentale ; 400 de ces plantes vivent exclusivement dans les Alpes. « Cela montre l’importance de cette chaîne montagneuse pour la biodiversité en Europe », déclare Yohann Chauvier-Mendes. En collaboration avec une équipe internationale de scientifiques, cet écologue a analysé à l’Institut fédéral suisse de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL la mosaïque des aires protégées dans les sept pays alpins, et déterminé où elle doit être étendue pour préserver cette biodiversité, aujourd’hui et à l’avenir.

En effet, le changement climatique entraîne la migration des plantes, généralement vers le haut. Cela signifie que nombre d’entre elles remanieront leur aire de répartition et pourraient ainsi sortir des aires protégées ou y pénétrer. Le changement climatique influencera également l’utilisation du territoire à des fins agricoles, ce qui aura un impact sur la répartition des plantes alpines, par exemple lorsque la forêt recouvrira des pâturages abandonnés. Ces effets du changement climatique pourraient faire perdre de l’importance aux aires protégées actuelles ou faire émerger de nouveaux points chauds de la biodiversité en dehors de ces aires – un processus indépendant des frontières nationales.

Cartes numériques de la biodiversité alpine

Afin d’anticiper l’évolution de la biodiversité dans l’espace alpin et de planifier judicieusement l’extension des aires protégées pour intégrer dès aujourd’hui une plus grande biodiversité, les scientifiques ont élaboré des cartes numériques détaillant la répartition des différentes espèces végétales. Ces cartes prennent en compte d’une part les conditions actuelles du climat et de l’utilisation des terres, et d’autre part les scénarios pour les années 2050 et 2080. « Pour la première fois dans une étude de ce type, nous n’avons pas seulement examiné le nombre d’espèces, mais aussi leur caractère unique en termes d’histoire génétique et de rôle écologique » explique Niklaus Zimmermann, écologue au WSL et un des principaux auteurs de l’étude.

Dans ces cartes, les scientifiques ont inclus les aires protégées existantes dont le statut de conservation correspond au réseau Émeraude-Natura 2000 et aux catégories I et II de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), par exemple le Parc national suisse. Sur cette base et à l’aide de simulations de planification de la conservation, ils ont ensuite identifié les aires qui permettent d’améliorer au mieux la protection de la biodiversité végétale de la région alpine – aujourd’hui, 2050 et 2080.

 

 

La Suisse et les Alpes méditerranéennes les plus touchées

À cet effet, les scientifiques ont complété et étendu la surface totale des aires protégées de 18 % à environ 35 % de l’espace alpin. La base de cette expansion était l’objectif 30 x 30 fixé lors du 15e Congrès des Nations unies sur la biodiversité, et selon lequel 30 % de la surface terrestre, en l’occurrence les Alpes, devraient être protégés d’ici à 2030 (voir encadré). « Dans toutes les simulations, les zones qui avaient le plus besoin d’une protection accrue étaient la Méditerranée et les Alpes suisses », commente Yohann Chauvier-Mendes. « C’est la Suisse qui devrait créer le plus de nouvelles zones sur l’ensemble du gradient altitudinal, car nous en avons globalement le moins par rapport à nos voisins », précise-t-il. « Seuls 2,3 % de la surface du pays bénéficient d’une protection stricte.»

Un certain nombre d’aires protégées n’entrent toutefois pas dans les strictes catégories I et II de l’UICN. « Il s’agit par exemple de vastes districts francs, ou de petits périmètres protégés au niveau cantonal, qui sont souvent plus petits mais toujours très précieux pour la protection de la biodiversité », explique Niklaus Zimmermann.

 

 

Plus de coordination

Dans les autres pays alpins, ce sont surtout certaines altitudes qui ont besoin de plus de zones protégées, notamment les moyennes altitudes en Autriche et les plaines en France et en Allemagne. L’analyse a mis en évidence un autre point important : « Dans les Alpes, la protection doit être coordonnée entre les pays pour être efficace », souligne Yohann Chauvier-Mendes, aujourd’hui employé à l’Eawag, l’Institut des sciences et technologies de l’eau, également du domaine des EPF. Actuellement, ce n’est pas le cas pour tous les pays alpins, mais cela devrait changer, estiment les deux écologues.

Les scientifiques souhaitent désormais élargir leur étude : « Nous avons seulement déterminé où de nouvelles aires protégées sont nécessaires en plus des aires existantes afin de préserver la biodiversité dans la région en 2050 et 2080 », explique Niklaus Zimmermann. « Nous n’avons pas cherché à savoir comment protéger au mieux les aires essentielles car situées le long des voies de migration des plantes, afin de favoriser cette migration dans un environnement en mutation. Nous voulons nous attaquer à cette question dans le cadre d’un autre projet.»

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