La forêt, milieu multifonctions

La forêt, milieu multifonctions

Pourquoi entretient-on la forêt ? Quel est son véritable rôle dans notre société ? Pourquoi ne la laisse-t-on pas évoluer naturellement ?

Les travaux forestiers interpellent souvent les chasseurs et les autres usagers de la forêt. Ils sont pourtant indispensables à la bonne santé de ce milieu complexe aux multiples fonctions. La forêt permet en effet de produire du bois et de l’énergie, elle contribue à la biodiversité, elle constitue un espace de détente pour la population et surtout, elle assure une protection contre les dangers naturels.

Forêt de protection

Aujourd’hui, environ la moitié de la surface forestière suisse protège contre les dangers naturels gravitationnels tels que les avalanches, les chutes de pierres, les glissements de terrain et les laves torrentielles. Le développement des zones d’habitation, des voies de circulation et autres infrastructures s’est considérablement accru ces dernières décennies, une situation qui renforce encore l’importance des forêts de protection, au titre d’éléments de la gestion intégrée des risques. Les forêts situées sur des berges exposées peuvent encore empêcher ou réduire le risque d’obstruction des cours d’eau par du matériau meuble et du bois (forêts de protection liées aux cours d’eau). Une forêt de protection est une forêt qui peut protéger un enjeu reconnu contre un danger naturel ou réduire les risques que ce danger implique. Ces forêts couvrent aujourd’hui environ 5850 km2 du territoire. Dans l’espace alpin suisse, les forêts de montagne protègent efficacement plus de 7000 hectares de zones habitées et de zones industrielles. Plus de 130 000 bâtiments bénéficient de cette protection.

Rajeunissement indispensable

Aujourd’hui, les forêts ne sont plus surexploitées, comme elles ont pu l’être jusqu’à la moitié du siècle dernier, mais elles sont sous-exploitées. Elles manquent de jeunes arbres, parce qu’on ne coupe pas assez de bois pour faire de la lumière. Et lorsque l’on coupe trop peu de bois, les forêts s’assombrissent et le sol se dénude. Les peuplements vieillissants et trop denses se déstabilisent. Ils sont alors plus vulnérables aux tempêtes et aux autres catastrophes naturelles. L’exploitation durable et le rajeunissement des massifs sont indispensables à la conservation de la valeur des aires boisées.

Le problème est que la configuration topographique du pays rend l’exploitation forestière coûteuse, et parfois peu rentable. Pour remédier à cette situation, la Confédération finance les cantons et les bénéficiaires de protection pour favoriser l’entretien et l’éclaircissement des forêts.

La forêt peut supporter quatre cerfs pour 100 ha, alors que certaines régions de Suisse en comptent un pour 2 ha. © Jamen Percy

Faune et forêt

Quand on parle de rajeunissement de la forêt, la question sensible du gibier, particulièrement des ongulés, vient immanquablement sur le tapis. Les conflits sont nombreux, notamment pour les questions d’abroutissement, et la Confédération a développé une série de mesures pour en venir à bout. L’accord difficile, et pourtant indispensable, entre la faune chassable et la forêt peut aussi générer des différences de visions. La présence des grands prédateurs en est un des meilleurs exemples, puisque ceux-ci peuvent influencer les effectifs de gibier, et donc indirectement le rajeunissement des arbres.

Selon les experts, la forêt peut supporter quatre cerfs pour 100 ha, sans qu’elle ait à trop subir les dégâts d’abroutissements. Des régions comme Aletsch en comptent jusqu’à deux cents pour 400 ha – soit un cerf pour 2 ha – autant dire une situation absolument pas durable.

De tels constats ont l’avantage de favoriser le dialogue entre les divisions Gestion des espèces et forêts dans les cantons, un dialogue qui n’a pas toujours coulé de source. Aujourd’hui, la plupart des services cantonaux travaillent de concert et en bonne intelligence pour tenir compte des intérêts de chacun.

Le premier concept forêt-gibier a été élaboré en 1997, et les mesures prises par toutes les parties semblent porter leurs fruits, même si l’évaluation de l’évolution d’une forêt doit être mesurée sur le long terme. Les différents acteurs concernés ont bien compris que seul un concept dit win / win pouvait aboutir et être accepté au sein de chaque corporation.

Et si selon les enjeux, la situation n’est pas toujours parfaite, elle tend néanmoins vers la durabilité recherchée par tous les intéressé à la forêt, on ne peut que s’en réjouir.

Texte Vincent Gillioz

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