LE COURANT LUCERNOIS : COMPAGNON ET ATHLÈTE
Réputé performant par ses adeptes, le lucernois fait partie des quatre races de courant suisse. Zoom sur un auxiliaire aux multiples qualités.
Texte et photos de François Bonvin
En Suisse, les premiers standards relatifs aux chiens de chasse ont été établis en 1882, puis révisés en 1909 lors de la disparition du chien courant de Thurgovie. C’est en 1933 qu’un standard unique est établi pour les quatre variétés que nous connaissons : le bruno du Jura, le courant bernois, le courant schwytzois et le courant lucernois.
Spécificités physiques
De son vrai nom, Luzerner Laufhund, le courant lucernois est un chien à poil court, possédant une robe mouchetée et tachetée de noir avec des marques fauves plus ou moins prononcées.
Sa tête sèche est composée, entre autres, d’une truffe bien noire ainsi que d’un museau fin et étroit. Ses oreilles, qui surprennent fréquemment les passants, sont longues, étroites et tombantes. Le courant lucernois possède un physique hors du commun grâce à une morphologie d’athlète avec comme particularité son cou allongé et bien musclé. Il est extrêmement performant.
Il est particulièrement recommandé pour les chasseurs de chevreuils et surtout de lièvres.
Approche de la chasse
Chaque chien possède un caractère différent, et sa façon de chasser variera d’un individu à l’autre. Le mien est par exemple capable de tenir une chasse entre deux et quatre heures, selon le gibier suivi, la météo et le terrain.
Sa chasse se divisée en deux parties : une première heure intensive avec un départ sur une piste après quelques minutes, puis un retour vers son maître pour repartir pour une à deux heures à distance plus réduite. En une chasse, mon chien parcourt en moyenne entre 10 et 20 kilomètres dans un périmètre qui varie entre 1 et 12 kilomètres.
Il est difficile de faire « déclarer » son chien courant sur une seule espèce. Le manque d’infrastructure ne nous permet pas d’exercer précisément une quelconque préférence. Pour ma part, mon chien chassera en priorité le lièvre, mais sera également attiré par un chevreuil si l’opportunité lui sourit.
Ce point est pris en compte lors de certains concours où il n’est pas nécessaire de spécifier la spécialisation de son chien. C’est la première piste qui fait référence.
Entraînement
Plusieurs terrains d’entraînement sont mis à disposition des propriétaires. En Valais par exemple, nous avons la chance d’avoir plus d’une dizaine de zones d’entraînement. Malgré ça, nos chiens restent la plupart de l’année en laisse au vu de la période d’entraînement assez restreinte. Si l’on prend l’exemple du terrain d’Ardon - Chamoson en Valais, celui-ci a été ouvert du 1er juillet 2022 au 31 janvier 2023, ce qui impose de longues périodes sans travail.
Pour le doyen du Club suisse du chien courant section Romandie / Oberwallis, cette situation est comparable à enlever plusieurs mois d’entraînement à un sportif de haut niveau, chose impensable. En plus de la période d’entraînement restreinte, les chasseurs au chien courant sont visés par les groupes anti-chasse et de protection des animaux qui font l’amalgame entre la chasse au chien courant et la maltraitance animale. Ceux qui ne connaissent pas ces chiens les classent dans la catégorie des chiens agressifs, bruyants et impossibles à maîtriser. Pourtant leurs aptitudes sont nombreuses comme le relève Raymond Rausis, chef de la formation des chiens de rouge pour le Valais romand. « Depuis 2008, on constate que le chien courant suisse représente une forte proportion dans les inscriptions à la formation de recherche au sang en Valais. En plus de son aptitude principale, le chien courant possède un réel talent pour la traque.»
Caractère
S’il est doté d’une image négative quant à son caractère, la réalité est bien différente. Le courant lucernois est très affectueux, calme et joueur. Le grand avantage de cette race est qu’elle est parfaitement compatible avec des enfants.
Même s’il est recommandé d’habiter dans une maison, le courant lucernois peut parfaitement vivre à l’intérieur. Ce n’est pas parce que votre chien dort de temps en temps sur le canapé qu’il ne sera pas un excellent chasseur. Ceci dit, chacune et chacun a le droit et la responsabilité d’éduquer son chien de la manière dont il ou elle le souhaite, tant que le bien-être de l’animal est respecté.
En reprenant l’exemple de mon animal, malgré le fait que j’habite en appartement et que mon chien dort sur le canapé et m’accompagne dans tous mes déplacements, une fois lâché, il change de comportement et sait mettre la chasse en priorité, quitte à parfois en oublier son maître.
Ces particularités de caractère font le génie de cette race, un chien intelligent qui peut autant être pris dans des lieux publics, jouer avec des enfants, et être un chasseur hors pair le week-end. Très proche de l’homme, le courant lucernois a besoin d’une présence humaine constante.
Il sera également un très bon compagnon pour vos activités sportives telles que le ski de randonnée ou la marche en montagne, à condition de le tenir en laisse car pour lui, la chasse c’est toute l’année. Un chien actif est un chien en bonne santé physique et mentale.
Chiffres en Suisse
En 2022, le Club suisse du chien courant a recensé 19 portées pour 116 chiots. Parmi ces chiots, 57 sont des courants lucernois (soit 49.1 % du total) dont 33 mâles et 24 femelles.
Le courant lucernois représente donc presque la moitié des chiots de l’année 2022.
Le nombre de portées de courants est actuellement stable, mais diminue fortement si l’on observe l’évolution des vingt dernières années. Il est donc primordial de protéger cette race ainsi que la chasse qui en relève. Sans cette dernière, les chiens courants suisses risquent de disparaître. « L’année dernière, seulement 21 chiens courants ont reçu l’admission à l’élevage, relève Georg Burchard, président de la Commission d’élevage. Il y a vingt ans, c’était trois fois plus ! On constate également que ces dernières années, de moins en moins de chiens courants suisses restent sur notre territoire. La demande de l’étranger est en constante augmentation. En Allemagne, les chasseurs apprécient de plus en plus l’aptitude des chiens courants suisses pour la recherche et plusieurs gardes forestiers ont opté pour cette race. On relève le même engouement en France, en Italie et également en Grèce. Dans ces pays, c’est l’aptitude pour la chasse aux lièvres de ces chiens qui est appréciée.»
Les clubs
En Suisse, c’est le Schweizerischer Laufhundclub ou le Club suisse du chien courant qui représente cette race. Ce dernier a notamment comme objectif la promotion et la conservation de la chasse au chien courant, l’organisation d’épreuves et de concours ainsi que l’aptitude à l’élevage.
Il est divisé en plusieurs groupes régionaux : Grisons, Nord-ouest suisse, Mittelland, Romandie et Oberwallis, Tessin et Suisse centrale.
Il existe également des groupements comme le Groupement valaisan de la chasse au chien courant.
En plus de leurs objectifs de base, ces clubs ont pour aspiration de soutenir les propriétaires. L’adhésion à ces clubs est largement recommandée dans la mesure où ils comptent des personnes très expérimentées qui peuvent guider les propriétaires sur l’éducation d’un chien et sur le bon déroulement de la chasse au chien courant.
Pour Bruno Emonet, président du Groupement valaisan de la chasse aux chiens courants et éleveur : « Avoir la chance de suivre l’évolution d’un courant lucernois, de sa naissance à sa première chasse, est un réel plaisir que je partage en famille. À chaque portée, je suis impressionné par leur capacité de développement social ainsi que par leur rapidité de développement à la recherche.»
Vivre avec un courant lucernois est une expérience enrichissante qui a changé ma vie. Cette cohabitation demande cependant un dévouement presque total qui comprend son lot de sacrifices. Être propriétaire d’un chien courant, ce n’est pas uniquement vivre avec un compagnon, c’est également être le représentant d’une tradition qui est constamment menacée.
